Publié le 30 janvier 2016
L’épidémie de la fièvre Ebola qui décime actuelle les citoyens de certains pays Ouest Africains n’engendre pas que des pertes en vies humaines. Bien au-delà, elle impacte aussi sur les activités économiques et particulièrement les produits agricoles périssables suite à la fermeture des frontières.
L’épidémie de la fièvre Ebola qui décime actuellement les citoyens de certains pays ouest africains n’engendre pas que des pertes en vies humaines. Bien au-delà, elle impacte aussi sur les activités économiques et particulièrement les produits agricoles périssables suite à la fermeture des frontières. Comme partout ailleurs, les secteurs économiques sont soutenus par les échanges des biens et services. La filière pomme de terre que les producteurs locaux de la région du Fouta Djallon se sont battus à structurer et à développer depuis les années 1990, avec l’appui de l’Etat Guinéen et des partenaires au développement, vient de subir un coup dur et inattendu. Cette filière monte en puissance, elle occupe les esprits, emploie des milliers de personnes tant dans les zones de production qu’au niveau des centres de distribution et de consommation comme Conakry, Freetown, Monrovia, Bissau et Dakar. Elle mobilise et procure des revenus à d’innombrables acteurs que sont les producteurs, les ouvriers agricoles, les marchands d’intrants, les transporteurs, les commerçants et d’autres prestataires de services.
Au regard de toutes les informations collectées au sein de la FPFD, l’année 2014, reste de loin celle qui a enregistré plus de surfaces emblavées. On estime à1520 ha les surfaces mises en valeurs en saison hivernale et l’inter saison dans l’ensemble du Foutah. Pour le cycle de l’inter saison, les producteurs sont techniquement prêts à produire car ils ont collecté les intrants agricoles, aménagés les parcelles de production et n’attendent plus que la dernière décade de septembre pour mettre les tubercules à terre. Donc, c’est une campagne irréversible surtout qu’habituellement ces récoltes offrent les meilleurs prix aux producteurs du fait qu’elles coïncident aux fêtes de fin d’année et de la baisse des offres sur les marchés courant janvier-février. Les récoltes actuelles d’août- septembre et celles attendues dans les prochaines semaines peuvent atteindre 22800 tonnes.
Août 2014, Jamais les prix de vente au kg n’ont été aussi bas, même s’ils soulagent les consommateurs qui certainement ne regardent pas ou ne pensent pas aux coûts de production. Les prix d’achat moyens chez le producteur relevés courant août-début septembre ne dépassent pas les 2000 gnf au kg alors que sur les 2 précédentes campagnes 2013 et 2012, les prix pratiqués en août étaient respectivement de 3 092 et 3 483gnf. Paradoxalement, les coûts de production montent chaque année. Malgré cette tendance croissante des coûts de production, les producteurs ont été contraints de vendre leur production à 2000 gnf au kg depuis la fermeture des frontières. Avec ce prix, il est hors de question de parler de marge parce que les coûts de production ne sont pas couverts, mais les paysans n’ont pas le choix quand on a en main un produit qui pourri, c’est soit le brader ou le jeter à la poubelle. En définitive, on estime que les producteurs de la filière (individuels et groupés) perdront aux alentours de 45 600 000 000 GNF(6 514 286 USD) en recettes soit environ 4 000 000 de GNF en moyenne par paysan actif dans la filière au cours de la campagne de saison pluvieuse et d’intersaison.
Alors qui doit supporter ces pertes ? Comme autre fois, il est fort probable que les producteurs se résignent au silence. Cependant,les budgets familiaux vont en pâtir en limitant la capacité des chefs de ménages de se procurer des biens et service à l’image des stocks alimentaire, l’éducation, la santé et la scolarisation des enfants.
Les pommes de terre produites en Guinée sont vendues au niveau national et sous régional. Les pays de la sous région, comme la Sierra Léone, le Liberia, la Guinée Bissau et le Sénégal sont régulièrement approvisionnés. Les données collectées par la FPFD dans le cadre des enquêtes de marché, montrent que les volumes exportés par exemple vers le Sénégal au mois d’août, ont baissé de 91%par rapport à l’année 2013. Sur les deux ans, le tableau sur ce marché se présente comme suit : • Août 2013 : 250 tonnes (105 tonnes pour Mali) • Août 2014 : 22 tonnes (22 tonnes pour Mali)
La même situation sera observée sur les marchés de la Sierra Léone et du Liberia qui sont aussi très porteurs pour la pomme de terre de Guinéen. La fermeture de ces marchés constitue un manque à gagner pour nos producteurs, commerçants, transporteurs et services fiscaux.
La FPFD est interpellée jour après jour par des producteurs et d’autres acteurs de la filière à propos de la nouvelle campagne agricole 2014-2015. Ils sont inquiets de la situation au point qu’ils veulent être éclairés sur la position de l’organisation paysanne. Les intrants agricoles (semences, petits outillages agricoles…) sont importés chaque année. Il est temps de négocier les emprunts bancaires, faire les commandes avec les fournisseurs, informer les producteurs des dates d’arrivée de ces intrants pour qu’ils achèvent les travaux préalables. La question qui revient sur toutes les lèvres est de savoir est-ce-qu’on aura cette année encore les semences ? Et si la FPFD importe les semences, nous les prenons à crédit et nous produisons à qui et où nous allons vendre nos récoltes si les frontières restent fermées ?
Réunis la semaine dernière en session du mini conseil agricole régional de la filière pomme de terre à Timbi-Madina (siège de la FPFD), les leaders paysans des unions et zones de production de pomme de terre ont interpellé la FPFD sur toutes ces questions brulantes.